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Recrutement, formation… Quelles stratégies pour les entreprises du numérique ?

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Avec la participation de :

Olivier Méril, Président de MV Group
Louis Le Carréres, Président de Yes We Dev
Sandra Retailleau, Fondatrice de Digital and Co
Benjamin Templé, Directeur Général de Matière Noire
Benoît Vasseur, Fondateur de The Tribe
Cécile Ménard, Campus Manager de la Wild Code School Nantes
Brice Coquereau, CTO chez Akoya Genius

« Depuis quelques mois la conjoncture est meilleure dans les métropoles de l’Ouest, mais cette bonne tendance à le revers de la médaille : La pénurie de profils ! » C’était le constat lucide que faisait en mars dernier Olivier Méril, président de MV Group (Rennes), approuvé par Sandra Retailleau, dirigeante de Digital And Co à Saint-Nazaire : « Ce qui m’arrête, ce n’est pas le manque de business, c’est le manque de ressources en interne. On refuse même des missions… » De l’avis de nombreux dirigeants d’entreprise du secteur numérique, le recrutement est d’ailleurs devenu leur enjeu numéro 1, désormais bien loin devant le carnet de commandes. Ce qui les a poussé à s’interroger sur la stratégie à adopter, notamment leur politique RH, leur marque employeur, au-delà du babyfoot et du Chief Happiness Officer…

Olivier Méril

Intelligence collective
En l’espace de 10 ans, Olivier Méril aura sans doute connu l’une des progressions les plus fortes de l’Ouest : Mediaveille et les différentes filiales du groupe spécialisé dans la strétégie diigtale ont integré durant cette période près de 200 nouveaux salariés. En 2018, pas moins de 40 postes ont été ouverts, pour des profils de chefs de projet webmarketing, référenceurs, community managers, rédacteurs web, UX designers… Une situation qui a amené l’entrepreneur a structurer ses équipes de manière moins traditionnelle qu’auparavant : plutôt qu’un ou une classique DRH, il a nommé en 2017 une « Directrice du Capital Humain » en la personne de Lina Poizeau et défini une politique claire d’attractivité pour le groupe, savant mélange de collaboration et de transmission : « Une entreprise progresse plus vite quand elle est en mesure d’attirer les talents. Elle intègre de nouvelles compétences qui vont pouvoir les diffuser aux autres collaborateurs, chacun va apprendre de l’autre, c’est l’intelligence collective qui va se développer », estime Olivier Méril.

« Chacun doit travailler sa politique RH, ça ne vient pas tout seul… »

Des préoccupations partagées par des entreprises plus « petites » comme Matière Noire (Nantes – 10 personnes) qui a opté pour une croissance en douceur. L’agence de développement web prend donc le temps de choisir : « le recrutement reste une enjeu fort, précise Benjamin Templé, DG de l’agence, mais nous n’avons pas une problématique de volume donc une pression assez relative par rapport à certains de nos concurrents. Et pour tout dire, ce sont plutôt les candidats qui frappent à notre porte. Je pense qu’ils viennent nous rencontrer parce qu’ils nous ressemblent. Pour attirer les talents, chacun doit travailler sa politique RH, ça ne vient pas tout seul… ». Benoît Vasseur , PDG de The Tribe (développement web), fait quant à lui feu de tout bois pour recruter, à un rythme de deux développeurs par mois en moyenne en 2019, notamment en se faisant connaître auprès des étudiants : « Nous sommes assez proches des écoles nantaises, de Centrale et de l’IMT par exemple. Les étudiants qui sont en alternance chez the Tribe sont nos premiers ambassadeurs : ils vont parler de l’entreprise aux autres, éventuellement leur donner envie de se rapprocher de nous. On peut également faire des opérations de sponsoring ou prendre en charge certains cours ». Chasse sur Linkedin et cabinets de recrutement spécialisés font aussi partie de la palette stratégique de l’entreprise. Il faut dire que les ambitions sont fortes : une croissance de 100 % en 2019 et plus de 40 développeurs dans l’équipe à la fin de l’année.

« Aujourd’hui, c’est le candidat talentueux qui choisit son employeur. »

Louis Le Carréres

Former chez soi
Devant la pénurie de certains profils, des entrepreneurs de l’Ouest font le choix de mettre sur pieds leur propre programme de formation. En point de mire, l’intégration en CDI au sein de l’entreprise. C’est le positionnement de l’agence de développement rennaise Yes we Dev, se définissant clairement comme une « agence école ». « Nous avions une vraie problématique de croissance : nos partenaires agences nous confient un permier projet au départ de la collaboration et passent vite à 2 ou 3 projets à la fois, explique Louis le Carréres, le jeune chef d’entreprise (25 ans cette année) à la tête de la structure. Ce qui nécessite de mettre des ressources en face. Nous avons donc construit un programme de perfectionnement et d’intégration pour former de nouveaux développeurs, en partenariat avec 3W Academy ». Mais comment recruter ces futurs collaborateurs en formation, pour l’essentiel totalement novices en matière de développement ? « Nous publions une annonce de recrutement pour un poste de développeur junior « sans expérience exigée », et nous récoltons naturellement un gros volume de candidats, par exemple 120 pour 5 postes sur la dernière session », poursuit Louis Le Carréres. Après une phase de pré-sélection les 5 profils retenus entament une formation qualifiante (bac + 2) de 3 mois dans les locaux de l’agence. Si la formation se fait à distance avec 3W Academy, chacun peut alors bénéficier de l’apport des développeurs plus expérimentés qui sont à proximité. « Une stratégie gagnant / gagnant car les profils plus expérimentés transmettent leur savoir et c’est aussi très valorisant pour eux. »

Zéro expérience
Des profils en reconversion, donc sans expérience, c’est aussi ce que recherche Sandra Retailleau, dirigeante de Digital And Co à Saint-Nazaire. « Lorsqu’on publie ce type d’offre, on croule sous les CV. Pole Emploi m’avait prévenue… Du coup, on fait un tri naturel et on retient celles et ceux qui font une démarche personnelle, qui nous appellent. » L’agence spécialisée dans le webmarketing a également créé son propre parcours de formation : « il faut 6 mois pour devenir autonome. C’est un processus assez lourd qui mobilise 20 % du temps d’un tuteur. Et nous recrutons essentiellement dans le bassin nazairien pour être sûrs que nos salariés fraîchement formés ne partent pas rapidement à la concurrence. Je ne le ferais sans doute pas à Nantes. » La question du turn-over a visiblement été réglée par Yes We Dev : « On forme nos futurs salariés et ils nous le rendent bien. En tout cas, personne n’est parti depuis 3 ans… ça veut dire qu’on arrive à fidéliser ». Former au code des profils en reconversion, c’est aussi la mission que se sont données certaines écoles, qui ont emboîté le pas à la désormais célèbre Ecole 42 de Xavier Niel. Installée à Nantes depuis septembre 2018, la Wild Code School (13 campus en France) forme au métier de développeur des personnes en reconversion (pour 80%) et des étudiants titulaires d’un bac en réorientation. « Des personnes de 20 à 45 ans et des profils très divers : archéologues, biologistes, d’autres issus de la restauration, précise Cécile Ménard, Campus Manager de Wild Code School Nantes. Ils nous trouvent en faisant des recherches en ligne et viennent nous voir lors d’événements que nous organisons. Tous font des tests en ligne (de 10 à 30 heures de travail) puis sont reçus en entretien pour évaluer leur motivation et leur approche technique ». Suivent 5 mois de formation en présentiel sur Java Script et PHP, des technos qui répondent aux besoins du marché nantais. « Notre seconde promotion compte 32 élèves : ils travaillent sur des cas concrets, s’entraident, se corrigent entre eux… Les recruteurs sont très intéressés par ces profils en reconversion : ils savent que s’ils ont fait cette démarche, il y a de la persévérance. Ce sont des profils qui savent s’adapter et ont déjà les codes de l’entreprise. Ils se rendent compte que des équipes mixtes – issus d’écoles d’ingénieurs et personnes en reconversion – apportent une grande richesse à l’entreprise ».

Cécile Ménard

Salarié – formateur
Confirmation du côté des recruteurs : « Je préfère quelqu’un qui a travaillé dix ans à l’usine et qui s‘est formé au développement en reconversion plutôt qu’un profil sortant d’une école – qui veut se vendre cher ! Nous sommes nous aussi des autodidactes », Explique Benjamin Templé de Matière Noire. Sans doute parce qu’il a lui-même gravi un à un les échelons, Olivier Méril place lui aussi la formation au coeur de l’entreprise : « La nouvelle génération a compris que son avenir passait par la formation et encore plus sur le digital, ou les connaissances ont besoin d’être mise à jour en permanence. Nous devons leur apporter le maximum de formation pour se mettre à jour, favoriser l’auto-formation, et former les autres, c’est ce que j’appelle les 3F. Nous avons poussé le concept depuis 3 ans maintenant, en allant encore plus loin en créant nos propres écoles. L’Ecole Digitale de la Nouvelle Chance, école d’inclusion pour aider, les personnes au chômage, en situation de handicap, ou non diplômées et Stage 301, L’école dans l’entreprise (créée avec Klaxoon et Hellowork). 50 collaborateurs sont devenus formateurs, ce qui leur permet de s’épanouir grâce à la transmission de leur savoir-faire, mais aussi de former des compétences pour les entreprises de l’Ouest ».

« Le babyfoot, c’est ridicule »

Chassés
Et du côté des chassés ? Qu’attendent-ils ces développeurs hyper-sollicités, tous confrontés à la saturation de leur compte Linkedin ? La parole à Brice Coquereau, CTO chez Akoya Genius, qui publiait en février dernier une lettre aux recruteurs pleine d’humour et de bon sens, revenant notamment sur le caractère flou des sollicitations : « Je filtre comme je peux, avec les informations que j’ai. Et que ça soit « un leader de la Tech à Paris » ou « un éditeur de logiciels français », ça ne me donne aucune information. Que fait le produit ? Quel est la taille de l’entreprise ? Quelle est la taille de ma future équipe ? Agilité ou cycle en V ? Angular ou React ? Pourquoi l’entreprise cherche à grandir ? » Bref, on veut du concret du côté des développeurs pour « avoir envie » : un lieu de travail précis, les technos utilisées ou encore le salaire et les avantages. Mais aussi les à côtés « utiles » : « Le babyfoot, c’est ridicule. Par contre, je veux savoir si j’ai un écran ou deux, si mon bureau peut passer en position debout, bref, si je peux bosser dans des bonnes conditions. J’ai besoin de café, thé, devrais-je le payer ? » Sans oublier le sens du travail : « Et surtout, SURTOUT, je veux savoir à quoi sert le projet. L’époque « je suis ingénieur informaticien, je veux coder et c’est tout » est révolue. On veut un travail qui a du sens, qui apporte quelque chose à l’humanité ». A bon recruteur…

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